Découvrez-moi
La genèse d’un auteur
Je me rappelle très bien cette journée de 2011. À l’époque, je vivais à Paris. Avec un ami, nous avions l’habitude de nous retrouver, le dimanche après-midi, dans un bar-restaurant situé non loin du Louvre : L’Imprimerie. Parfois, cette rencontre était précédée par une visite d’exposition. Parfois, nous allions simplement boire un verre dans cet endroit très agréable. Le gérant et son barman étaient sexy…
Cet ami savait que j’écrivais des petites histoires. À l’époque, on ne parlait pas encore de M/M, ce n’était pas, à ma connaissance, un genre littéraire reconnu. Il a lu quelques-unes de mes nouvelles et c’est lui qui m’a encouragé à les diffuser sur internet, pour les faire connaître à d’autres. Toujours à l’époque, le premier réflexe, pour apparaître sur le réseau mondial, était de créer son propre site.
C’est ainsi qu’en novembre 2011 est né : contesdegays.com. Des contes, parce qu’il s’agissait de courtes histoires tournant principalement autour de fantasmes. De gays, par filiation aux contes de fées. D’accord, ce n’est pas d’une subtilité énorme, mais depuis, je n’ai jamais renoncé à ce site qui connaîtra de nombreuses transformations. Des phases de grande activité, des périodes de délaissement total, de fréquentes résurrections.
C’était la première fois que je rendais mes histoires disponibles au grand public. Du moins, que je pensais avoir des milliers de lecteurs. Je dois dire que je n’ai pas été déçu, il y avait du monde qui venait lire mes nouvelles, les commenter, m’encourager dans l’écriture. Je pourrais exhumer certaines de ces nouvelles, qui actuellement ne sont plus disponibles nulle part. Ce n’était de loin pas de la grande littérature. Comme dit, il s’agissait surtout de fantasmes, assez crus.
C’est ce même jour que nous avons choisi mon pseudonyme d’auteur. Il est plus simple d’écrire librement quand son propre nom n’est pas associé aux écrits. Enfin, c’est un débat qui anime toujours le monde de l’édition. Bref, l’heure était déjà avancée et nous avions consommé pas mal de verres. Alors, je vais vous décevoir, je ne sais plus exactement comment nous en sommes venus à Andrew Carlson.
Pour ce qui est du prénom, je sais que nous avons voulu américaniser mon second prénom français : André. C’est à peu près tout ce dont je me souviens. Carlson a certainement été choisi parce que ça sonnait bien.
Voilà comment, en un après-midi, dans un bar, avec un ami, mes écrits ont pris une autre dimension. J’ai créé mon propre site, j’avais mon pseudonyme, l’aventure pouvait commencer !
La salle de sport
Mes premiers écrits, donc des nouvelles, plutôt à tendance érotique, tournaient principalement autour de l’univers de la salle de sport. Encore aujourd’hui, c’est un lieu qui apparaît souvent dans mes romans. C’est un endroit très intéressant pour un auteur, car il s’agit d’une micro-société, dans laquelle se reproduisent toutes les attitudes et tous les codes que l’on retrouve dans la société en général. J’observe beaucoup, quand je suis au sport. Pas seulement parce qu’il y a des beaux gosses, mais parce que le fait de décortiquer le comportement des gens m’inspire pour mes romans.
Durant mon adolescence, je pratiquais pas mal de sports. Dont l’athlétisme, le tennis et la natation. Lorsque j’ai débuté mes études supérieures, je ne sais pas trop pourquoi, ces activités ont cessé, mis à part peut-être le footing du week-end. Normalement c’est durant cette période que l’on pratique le plus, pour moi cela a été l’inverse.
Ce n’est que le 27 septembre 2008 que je m’y suis remis. Étant donné que pour certaines et certains d’entre vous, 2008 est votre année de naissance, je précise que moi j’avais trente ans. Je me souviens précisément de la date car, durant l’été qui a précédé, je me suis inscrit une première fois dans une salle. Je m’y suis rendu à deux reprises, avant d’abandonner. Je l’ai vécu comme un échec, je me suis remotivé et c’est pourquoi je me souviens du 27 septembre, puisque c’est le jour où je me suis discipliné, où j’ai repris les choses en main et depuis, je n’ai jamais arrêté.
Cela peut paraître anecdotique, mais ce parcours est important, puisqu’il nourrit pas mal de mes écrits. L’auteur est d’abord et en premier lieu un observateur. Et il n’y a pas meilleur endroit que la salle de sport, comme je l’écrivais plus haut, pour observer la société en miniature. Et également pour faire de belles rencontres, qui parfois changent le cours de l’existence.
La première salle que j’ai fréquentée était associative. Une petite structure, indépendante, très sympa. La gérante voulait une ambiance coopérative entre les membres. On s’entraidait, je n’étais jamais seul, il y avait toujours quelqu’un pour me conseiller, me montrer des exercices. J’ai appris énormément durant cette période et je me suis fait quelques amis. Nous étions encore à l’époque des vestiaires collectifs (ceux-là existent toujours) et des douches collectives (elles ont tendance à disparaître rapidement).
On faisait du sport ensemble, on se changeait ensemble, on se douchait ensemble. Il n’y avait pas toute la pudeur qui s’est imposée aujourd’hui. C’était une belle période, en toute décontraction, permettant des échanges beaucoup plus simples. Il était facile de se faire des potes, puisque nous partagions déjà une certaine intimité. Malheureusement, cette salle n’a pas tenu face aux grandes chaînes. J’ai dû me résoudre à m’inscrire ailleurs.
Il n’y a pas de hasard dans un parcours de vie. Je crois que les grandes lignes sont écrites d’avance, c’est ce que l’on appelle la destinée. Grâce à ce changement forcé, j’étais sur le point de rencontrer celui qui allait devenir mon éditeur…
La rencontre
Nous sommes en 2010 et j’ai changé de salle de sport. Je suis désormais inscrit dans une chaîne, qui aurait pu sembler totalement impersonnelle. En réalité, il y avait encore une bonne ambiance à cette date, les gens discutaient facilement. Je pense que c’était dû au fait que nous devions tout partager. Les vestiaires, les douches et il y avait même un sauna. Il ne faut pas immédiatement y voir quelque chose de tendancieux : dans cette salle il y avait une majorité d’hétéros. Au moins, cela permettait de développer une sorte de fraternité. Due au fait de savoir que nous allions nous retrouver dans les vestiaires, où on serait jugé, les gens étaient plus zen.
Il y avait de nombreux beaux gosses. C’est quand même l’une des motivations principales pour aller à la salle, il ne faut pas se le cacher. Et puis, une personne est soudainement sortie du lot. Je ne saurais pas donner la date exacte, mais un soir, j’ai croisé le regard de ce mec, en train de s’entraîner sur le tapis de course. Instinctivement, j’ai su que nous ferions un bout de chemin ensemble. Je n’avais aucune idée de la forme que prendrait cette trajectoire commune.
Il m’a fallu des semaines pour oser l’aborder. Je sentais bien que ce n’était pas lui qui allait lancer la conversation. Nous ne faisions qu’échanger des regards, rien de plus. J’ai pris l’excuse, banale, de lui demander de l’aide, pour soulever des haltères, afin qu’il y ait un premier contact. Puis j’ai entamé la conversation, c’était assez laborieux. Du moins, la discussion était basique : qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Tu habites dans quel quartier ? Tu viens souvent à la salle ? Des niaiseries du genre.
Nous nous sommes revus régulièrement, toujours dans le cadre de la salle de sport, jusqu’à ce que j’ose lui proposer d’aller boire un verre. En amitié comme en amour, c’est délicat de déclencher la première rencontre, en tête à tête. À ce stade, il était toujours impossible de savoir quelle route emprunterait notre relation. Nous avons ainsi passé une soirée face à face, à la terrasse d’un bar. Il m’a parlé de sa vie et surtout de sa passion : l’écriture !
Une fois ce sujet lancé, nous n’avons pas vu le reste de la soirée passer. Il me parlait de ses romans, je lui parlais de mon site. Avoir une passion commune facilite grandement les choses. Nous avons peu à peu compris que ceci n’était pas un rencard, mais certainement le début d’une amitié. Après cette soirée, chacun est retourné chez lui. J’avais à découvrir son univers littéraire, il allait découvrir le mien. J’avais un peu honte, puisqu’il s’agissait d’histoires très érotiques.
Nous nous sommes revus assez rapidement. Au-delà du thème abordé dans mes écrits, il a réussi à déceler une forme de talent pour l’écriture. Il allait me coacher pour que je développe mes histoires…
Wattpad, 2015.
Avec Jean-Philippe, nous avons passé pas mal de soirées à discuter, de nos écrits. Surtout, il m’a encouragé à développer mes histoires. Je ne faisais encore que proposer des courtes nouvelles sur mon site contesdegays, qui ne touchaient pas un énorme public. Certes, il y avait quelques réactions, principalement parce que j’accompagnais ces textes de photos très sexy. L’engouement n’était pas vraiment là, j’allais trop vite, je ne prenais pas le temps de peaufiner les histoires.
L’étape suivante a été : Wattpad. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, c’est un site qui permet aux auteurs de diffuser leurs écrits facilement, chapitre par chapitre et de recueillir les réactions des lecteurs. C’est une plateforme très formatrice, cela m’a permis d’acquérir une certaine discipline. Je voulais écrire un chapitre par semaine ! Ce qui ne semble pas grand-chose, c’est tout de même un travail énorme puisqu’il faut aussi le temps de relire et de corriger, pour ne pas faire n’importe quoi.
Encouragé par mon nouveau pote, j’ai réussi à me motiver. Il n’était jamais intrusif, me laissant écrire comme je voulais. Il savait qu’un auteur devait rester libre pour créer. C’est l’état d’esprit que l’on retrouvera bien plus tard chez Antinoüs éditions. Je n’avais droit qu’à quelques conseils, de temps en temps, pour me perfectionner. Surtout, j’ai découvert que j’adorais ça, passer du temps à écrire, inventer des histoires, développer des personnages. Sans Jean-Philippe, certainement que j’aurais abandonné…
Parmi les histoires que j’ai proposées sur Wattpad, certaines sont ensuite devenues de véritables romans. Les premiers pas d’Amitié améliorée se sont faits sur ce site. Si je regarde aujourd’hui, il y a plus de 300 000 lectures et l’histoire est en dixième position dans la catégorie Gay. Ma vraie nature a aussi connu un grand succès sur Wattpad, avec 230 000 lectures et l’histoire est huitième dans le même classement. Je suis en compétition avec moi-même…
Autant dire que Wattpad a été une très belle aventure. J’ai principalement apprécié de pouvoir échanger avec les lectrices et lecteurs, directement, en répondant à leurs commentaires sur chaque chapitre. Une activité chronophage, mais au moins j’avais dans mes fichiers des romans complets. Il était temps de passer à l’étape suivante : la publication.
KDP, 2018.
C’est en 2018 que j’ai publié mon premier livre, en version numérique, sur Amazon. Avant cela, il faut se souvenir que l’autoédition n’était pas vraiment démocratisée. Du moins, c’était beaucoup plus compliqué qu’aujourd’hui. La nouvelle génération n’a pas connu Lulu.com, le premier site qui proposait de s’autopublier (c’était laborieux). Puis il y a eu CreateSpace, qui ne permettait que la publication papier. Avant que ce dernier site ne soit racheté par Amazon qui a imposé sa force principale : la simplicité !
Cette première publication était : Complicité à trois. Une longue nouvelle, dont on imagine parfaitement le sujet à partir du titre… Une couverture avec des hommes dénudés, beaucoup de sexualité à l’intérieur. Ce n’était pas encore bien construit et d’ailleurs cela n’a pas eu de succès du tout. Puis j’ai publié les nouvelles que j’avais rédigées pour mon site Contesdegays, sous forme de trois recueils. Ces derniers étaient encore disponibles début 2025 et continuaient de se vendre. Mais ce n’était pas très bon, j’ai pris la décision de les retirer.
L’étape suivante est venue naturellement : publier mes romans rédigés sur Wattpad. C’est là que j’ai commis une erreur. J’ai repris ce que j’avais écrit, sans vraiment le modifier, simplement un copier-coller, pensant que cela ferait l’affaire. Encore une fois, Jean-Philippe, mon futur éditeur, m’a laissé faire. Comme s’il voulait que je commette mes propres erreurs, pour apprendre. De son côté, il publiait aussi ses livres, de manière beaucoup plus professionnelle.
Ces ouvrages, pour la plupart disponibles uniquement en numérique, ont connu leur petit succès. Rien d’exceptionnel, il faut dire que ce n’était pas génial. Il faut aussi se souvenir que les réseaux sociaux n’étaient pas aussi dynamiques qu’aujourd’hui. Du moins, c’est ma vision des choses. J’étais surtout sur Facebook, je ne touchais pas énormément à Instagram. Et je ne mettais pas assez d’énergie dans la promotion de mes ouvrages.
J’étais déçu. Je donnais beaucoup de mon temps à l’écriture. J’ai toujours pris plaisir à écrire, c’est essentiel. Mais ensuite, lorsqu’on publie et que l’on ne voit aucun début de succès, c’est désespérant. J’étais sur le point d’entrer dans une période de blues de l’écriture…